Résidence secondaire: Suisse ou France?
Achat d’une résidence secondaire : en Suisse ou en France ?
Depuis 2020, la pandémie et les mesures sanitaires ont relancé l’intérêt pour l’achat d’une résidence secondaire, reflet d’un besoin d’évasion légitime à une époque où nos libertés individuelles sont sévèrement bousculées.
Les personnes résidant dans l’arc lémanique se posent souvent la question du choix entre une acquisition en France voisine ou en Suisse. Nonobstant les questions de préférences personnelles et de prix se pose la question de la charge fiscale totale entre ces deux pays.
Dès lors, il nous a semblé opportun de procéder à une analyse comparative, réalisée conjointement par Avacore Family Office, société spécialisée dans les conseils patrimoniaux franco-suisses et Impact Financial Engineering, spécialisée dans le conseil pour résidents suisses, sur une période de long terme qui inclut les aspects successoraux, particulièrement sensibles pour la France.
Les impacts fiscaux dépendant de la situation de chaque ménage, nous avons posé les hypothèses suivantes :
Situation initiale :
- Couple marié sous le régime légal suisse, nés tous deux en 1966 (55 ans), résidant à Genève, en location.
- Le couple a deux enfants majeurs et indépendants financièrement.
- Le couple perçoit un revenu annuel net de CHF 230’000.-
- Suite à un héritage le couple a une fortune mobilière placée sur les marchés financiers de CHF 2’650’000.-. A ceci s’ajoutent leurs avoirs de prévoyance estimés à ce jour à CHF 1’350’000.-
- Le train de vie des époux est de l’ordre de CHF 210’000.- par an, charge fiscale incluse.
- Leur revenu imposable se monte à CHF 210’000.-
Projet d’acquisition : comparatif retenu
- Achat conjoint d’un chalet ou d’un appartement à Montana (Valais) ou La Clusaz (France) pour le prix de CHF 1’600’000.-.
- Financement par fonds propres à hauteur de 40% (CHF 640’000) et par endettement pour le solde (CHF 960’000) au taux de 1% sur une durée de 15 ans.
- La valeur locative estimée du bien à la Clusaz est de CHF 5’000.- p.a. contre CHF 15’000.- pour le bien de Montana.
- Pour les deux biens, nous retenons une charge d’entretien annuelle de CHF 10’000.-
Fiscalité comparée : éléments qui entrent en ligne de compte
- Frais d’acquisition (notaire, cadastre, etc)
Montana : CHF 60’000 (3,8%)
La Clusaz : CHF 113’000 (environ 7% hors frais de garantie hypothécaire)
La différence en défaveur de la France est de CHF 53’000.-
- Taxes foncières
Montana : Pas de taxes particulières autres que celle liées à la fiscalité courante
La Clusaz : CHF 2’200.- / an de taxes foncières & taxe d’habitation
Le delta en défaveur de la France est de CHF 2’200.- / an.
- Fiscalité courante (revenu & fortune)
Montana : impôt sur la valeur locative : CHF 15’000.- multiplié par le taux marginal d’imposition du couple.
La Clusaz : la valeur locative française a uniquement un impact sur le taux marginal d’imposition en Suisse. En d’autres termes ce taux sera fixé sur une base du revenu imposable « virtuellement » augmenté de CHF 5’000.-
Eu égard au fait que le bien immobilier sis en France ne serait pas taxable en Suisse (ni sur la fortune ni sur le revenu), mais uniquement pris en compte pour le taux, l’acquisition du bien à la Clusaz induirait une fiscalité nette inférieure de quelque CHF 5’700.- par an.
Cet avantage diminuera toutefois à partir de 2035, année au cours de laquelle le couple sera assujetti à l’IFI(Impôt sur la Fortune Immobilière, qui résulte d’un amortissement fictif de la dette calculé d’un point de vue fiscal, que cette dernière soit effectivement amortie ou pas)et s’établira à environ CHF 1350.- p.a. dès 2038.
- Droits de succession (en ligne directe) avec une dévolution légale suisse au 1er décès
Montana : Aucun (si achat sur Vaud droit de succession d’environ 7%)
La Clusaz : CHF 223’000 ou CHF 64’000 si démembrement de propriété à l’acquisition.
Tableau comparatif :
On constate les éléments suivants :
- Les frais d’acquisition sont beaucoup plus élevés en France qu’en Suisse.
- Les charges fiscales annuelles liée à la détention du bien sont plus élevées en Suisse qu’en France.
- Les droits de succession sont particulièrement pénalisant dans le cas de la France en l’absence d’anticipation.
- A relever qu’avec une planification de la succession pour la France (voir plus bas) le différentiel d’impôt cumulé tombe à quelque CHF 11’500.- Un montant négligeable d’autant plus qu’il est projeté à 30 ans.
- A relever que la structure du financement (dette hypothécaire) n’a que peu d’impact sur le différentiel de charge fiscale. D’un point de vue économique ce dernier est toutefois important, la dette impliquant une charge d’intérêts, mais également la possibilité de placer une partie de ses capitaux ailleurs que dans l’immobilier. Se posera en outre la question d’un financement en CHF ou en € dans le cas d’un achat en France, qui revient à un choix entre sécurité de la couverture des intérêts (si dette en CHF) contre gestion du risque de change (si dette en Euro) pour un bien détenu dans la zone Euro.
Mesures d’optimisation possibles
Achat en Suisse :
Peu de moyens spécifiques existent pour diminuer la charge fiscale. On pourra citer l’achat d’un bien nécessitant quelques travaux d’entretien qui seront déductibles fiscalement, ou une stratégie d’amortissement de la dette à travers un programme de rachat dans le deuxième pilier ou d’épargne de troisième pilier. Mais de telles stratégies devraient de toute façon être intégrée dans un bon conseil patrimonial, que le couple possède une résidence secondaire ou pas.
On se rappellera aussi qu’un achat dans les montagnes vaudoises est (fiscalement) plus onéreux que dans le Valais, tant sur le plan du rendement locatif que celui des droits de succession.
Achat en France :
Une dette souscrite pour financer l’acquisition sera déductible de la base taxable des droits de succession (comme en Suisse), si elle existe toujours au décès, c’est-à-dire si elle n’a pas été remboursée et si une assurance décès n’a pas été souscrite.
Une donation en nue-propriété permettrait de réduire la fiscalité de la transmission. Les droits sont, en effet, assis uniquement sur la valeur de la nue-propriété qui dépend de l’âge de l’usufruitier au moment de la donation, par exemple 50% pour un usufruitier de 55 ans. L’usufruit s’éteindra au décès de l’usufruitier sans taxation. Il faut néanmoins le considérer avec précaution car l’usufruitier ne peut plus vendre le bien sans l’accord du nu-propriétaire.
Conclusion :
Sur la durée, les droits de succession sont en défaveur d’une acquisition en France. On pourrait néanmoins l’analyser comme la contrepartie au fait qu’à budget égal, on pourra bien souvent acheter en France un bien d’une surface supérieure à celle qu’on aurait en Suisse. De surcroît, notre exemple montre qu’une anticipation de la transmission peut réduire la facture substantiellement.
Comme dans tout projet d’importance, les implications financières et fiscales dépendent de nombreux paramètres qui vont bien au-delà des aspects strictement liés au bien considéré. Il est dès lors recommandé d’inscrire une telle acquisition dans une planification patrimoniale globale en s’appuyant sur les conseils d’un spécialiste.
Nous remercions chaleureusement AVACORE avec qui cet article a été co-écrit.