Rendement fiscal d’un rachat
Le rachat dans la caisse de prévoyance est-il un bon investissement ?
« Au vu du piètre rendement appliqué sur mes avoirs de prévoyance, je ne vais certainement pas faire de rachats ! »
Cette réaction est observée auprès de nombreux affiliés lorsqu’ils examinent leur certificat de prévoyance et estiment que le rendement offert par leur caisse n’est vraiment pas élevé.
Et ils n’ont pas tort ! Si l’on en croit l’indice CS des institutions de prévoyance suisses, le rendement annuel moyen des caisses de pension helvétiques s’affiche à 3,41% du premier janvier 2000 au 30 juin 2021.
Et ce chiffre ne correspond pas à ce que reçoivent les assurés, puisque c’est le Conseil de Fondation de chaque caisse qui décide du rendement qui sera attribué aux affiliés, sous contraintes du minima fixé annuellement par le Conseil Fédéral pour la partie obligatoire et de plusieurs autres règles, notamment la couverture des réserves de fluctuation de valeur.
C’est ainsi que la rémunération minimale LPP annualisée s’inscrit à 2,13% pour la période sous revue. Pour 2021 le minima a été annoncé à 1% et il y a fort a parier que les Conseils de Fondation maintiennent une politique de rémunération prudente, notamment en raison des traumatismes engendrés par les violentes corrections boursières de 2001 (éclatement de la bulle des TMT), 2008 (crise de crédit et affaire Lehman) et 2020 (crise Covid) et le niveau ridiculement bas des rendements obligataires en Suisse.
Fort de ce constat, on comprend aisément les assurés qui préfèrent conserver leur épargne et l’investir dans des véhicules de placement plus attractifs, avec en prime la liberté de disposer de leurs actifs en tout temps.
Toutefois, une simple comparaison des rendements serait incomplète et biaisée, puisqu’elle exclut la dimension fiscale. Or cette dernière est déterminante, en particulier pour les tranches socio-économiques disposant de revenus confortables, qui sont majoritairement celles qui font des placements en Bourse et se posent la question d’effectuer des rachats dans leur plan de prévoyance.
La fiscalité sur le revenu et sur la fortune relève pour l’essentiel d’une compétence cantonale. Il existe donc autant de pratiques fiscales qu’il existe de cantons. Nous retiendrons pour notre démonstration le cas du canton de Genève, dont la pression fiscale est forte pour les tranches de revenus élevés et l’impôt sur la fortune y est l’un des plus onéreux de Suisse.
Imaginons un couple marié, les deux époux occupant des positions de cadres et dégageant un revenu imposable de l’ordre de CHF 300’000.- par an, soit un taux marginal d’imposition d’environ 45%. La fortune du couple est également confortable et donc son taux d’imposition est de quelque 0.9%.
Un rachat dans la prévoyance de CHF 100’000.- (par exemple) aura donc les conséquences fiscales suivantes :
- Économie immédiate de CHF 45’000.- d’impôts sur le revenu.
- Économie de 0.9% chaque année sur la valeur des capitaux investis (soit CHF 900.- pour la première année).
- Économie chaque année de 45% sur les revenus des capitaux investis dans la prévoyance. Si l’on estime ces derniers à 1,5% l’économie est de 0,68% par an, soit CHF 680.- la première année).
- On gardera à l’esprit que si le couple souhaite récupérer ses années « rachetées » en capital au moment de la retraite, l’imposition de ces actifs de prévoyance à Genève sera de quelque 8,6% (imposition unique et séparée des autres revenus, relativement basse par rapport à la moyenne suisse).
On constate alors que le fait de transférer une partie de son épargne « libre » à sa fondation de prévoyance offre plusieurs avantages fiscaux, tant au moment du rachat que pendant toute la période de détention dans la caisse de pension.
Pour simplifier, on peut décomposer l’avantage fiscal entre une économie annuelle de 1,58% (0,9% + 0,68%) et une économie ponctuelle de 45% au moment où le rachat est effectué. C’est là une sorte de gain en capital inversé, correspondant à l’économie fiscale sur les revenus épargnés sous forme de rachat dans l’enveloppe de prévoyance.
L’impact en terme de rendement de cette deuxième composante va bien sûr dépendre de la période de détention dans la caisse de prévoyance du montant racheté. On sait que cette dernière doit être supérieure à trois ans pour que les autorités fiscales acceptent la déduction au moment du rachat.
Dès lors on peut calculer le « rendement fiscal » d’un rachat de prévoyance en fonction du nombre d’années de détention. Ce taux d’intérêt est un coût d’opportunité: il correspond au rendement supplémentaire qu’un individu qui préfère l’épargne « libre » au rachat devra obtenir, pour compenser l’impact fiscal de sa décision.
Les enseignements les plus importants de ce tableau sont :
- Sans surprise, le rendement fiscal d’un rachat dans l’enveloppe de prévoyance décroit avec l’augmentation de la période de détention. En d’autre terme il vaut mieux procéder à des rachats le plus tard possible dans sa vie professionnelle, tout en gardant à l’esprit que la règle d’une détention minimale de 3 ans pour la déductibilité du rachat s’applique à la date de retraite effective, qui n’est pas toujours planifiable ou connue d’avance.
- La relation entre nos deux paramètres n’est pas linéaire et va tendre vers le niveau de 2,6% .
- L’efficience fiscale est très importante pour des périodes inférieures à 15 ans. Les taux annualisés y sont supérieurs à 5%, rendement qu’il est aujourd’hui impossible d’atteindre sans une prise de risques plus importante que celle de sa caisse de pension.
Nous n’avons abordé dans cette lettre que la dimension fiscale. On se rappellera que les stratégies de rachat de prévoyance dépendent de multiples autres facteurs, tel par exemple le besoin de rattraper un déficit de prévoyance pour assurer ses vieux jours, la disponibilité de la trésorerie pour effectuer des rachats ou encore l’utilisation de rachats en lieu et place du remboursement partiel d’une hypothèque.
L’équipe d’Impact Financial Engineering est bien sûr à votre disposition pour inscrire cette démarche dans votre contexte patrimonial global et pour calculer ce coût d’opportunité pour d’autres cantons.